Approche – Programme

QU’EST-CE QUE L’APPROCHE-PROGRAMME ?

L’approche-programme, c’est un modèle d’organisation de l’enseignement dans les programmes d’études qui repose sur deux piliers (Prégent, Bernard, & Kozanitis, 2009) :

  • un projet de formation discuté et partagé par l’équipe enseignante. Ce projet est basé sur le profil de sortie des étudiants au terme de leur formation. Il constitue un but commun à atteindre pour l’équipe.
  • un état d’esprit collégial parmi les personnes qui contribuent au programme. Elles communiquent entre elles, se concertent et collaborent pour atteindre leur but commun.

Ce modèle s’oppose à celui de l’approche-cours, soit le modèle plus traditionnel d’organisation des programmes de formation universitaire.

Dans une approche-cours, chaque enseignant conçoit ses cours de façon individuelle. Chacun n’a pas forcément une vision des finalités du programme, ni une vue d’ensemble des éléments qui le composent. Les programmes conçus selon cette approche consistent bien souvent en une juxtaposition d’enseignements cloisonnés.

 

« L’approche-cours est au patchwork ce que l’approche-programme est au tapis persan »

(Sylvestre & Berthiaume, 2013, p. 105)

 

Cette métaphore est utile pour percevoir la différence entre les deux approches.

Dans une approche-cours, chaque enseignement est conçu isolément et indépendamment des autres. La formation des étudiants peut donc prendre l’aspect d’un patchwork, sans fil conducteur. Il arrive que des enseignants se consultent et se coordonnent, mais il s’agit d’initiatives personnelles et non d’un mode de fonctionnement établi.

Appliquons maintenant à l’approche-programme la métaphore du tapis persan.

Dans un premier temps l’équipe enseignante imagine collectivement le « motif » à produire : il s’agit du profil de sortie des étudiants.

Puis, elle décide de façon collégiale de la manière de « tisser ce motif » : elle se concerte pour décider, par exemple, de la structure du programme et des actions à privilégier pour atteindre le profil de sortie visé.

Enfin, l’équipe travaille en synergie pour permettre à chacun d’apporter les « fils de couleur » nécessaires – autrement dit les contributions des différents enseignements du programme.

Bref, dans une logique programme, « le tout est supérieur à la somme des parties » (Roegiers, 2012, p.98).

 

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POURQUOI METTRE EN PLACE UNE APPROCHE-PROGRAMME ?

Plusieurs avantages de l’approche-programme sont recensés dans la littérature :

Avantages pour l’équipe enseignante

  • Chaque personne connaît les finalités du programme et sait mieux comment y contribuer
  • Grâce à la communication au sein de l’équipe, une cohésion s’installe
  • Des collaborations peuvent naître plus facilement
  • Les nouvelles personnes s’intègrent plus rapidement à l’équipe car elles ont des repères concrets

Avantages pour les étudiants

  • Les étudiants ont une idée précise des compétences apportées par la formation
  • Il leur est plus facile de percevoir l’utilité des enseignements et des activités proposées
  • Ils parviennent davantage à faire des liens entre leurs différents apprentissages
  • Ils bénéficient d’une pédagogie adaptée aux objectifs de la formation

Avantages pour la gestion et la qualité de la formation

  • Les lacunes et les redondances non productives sont vite repérées et corrigées
  • Le programme possède une forte cohérence interne
  • La gestion du programme n’incombe pas à une seule personne, puisque c’est l’affaire de tous
  • Les décisions sont prises plus facilement, en référence au projet commun

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COMMENT METTRE EN PLACE UNE APPROCHE-PROGRAMME?

Lorsqu’on souhaite apporter un changement à un programme, il est recommandé de suivre une démarche structurée.  En particulier, pour passer d’une approche-cours à une approche-programme, deux étapes sont importantes :

  1. élaborer une vision commune du programme
  2. développer un esprit collégial au sein de l’équipe

Voici des exemples de questions à vous poser et des pistes d’action pour faciliter ces deux étapes

1. Élaborer une vision commune du programme

Il s’agit de définir les intentions pédagogiques du programme. Il est important que les aspects suivants fassent l’objet d’un consensus au sein de l’équipe (Prégent, Bernard, & Kozanitis, 2009):

  • la vision du diplômé que l’on souhaite former
  • les valeurs et les attitudes qu’on aimerait qu’il acquière pendant la formation
  • les compétences qu’il devra développer
  • les contenus et les dispositifs pédagogiques nécessaires pour concrétiser les 3 éléments précédents, qui constituent le profil de sortie des étudiants.

                 Quelques questions à se poser

  • En quoi nos diplômés se démarqueront-ils des autres ?
  • A quelles valeurs adhèreront-ils ?
  • Quels gestes et tâches complexes seront-ils capables de réaliser ?
  • Quels sont les contenus à couvrir ? La quantité de contenus est-elle réaliste vis-à-vis de la qualité d’apprentissage visée ?
  • Quelles occasions fournirons-nous aux étudiants de développer ces valeurs, compétences et connaissances ?
  • Comment vérifierons-nous qu’elles ont bel et bien été développées?

                Quelques conseils

Impliquez le plus de personnes possible dans ces réflexions. Sollicitez par exemple des membres du corps enseignant et estudiantin, des professionnels, des responsables de programmes consécutifs au vôtre,…

Appuyez-vous sur les enquêtes ou des sondages menés auprès de vos étudiants et diplômés.

Pensez à inclure des compétences transversales (soft skills) dans le profil de sortie : réflexivité, inventivité, travail en équipe, gestion de l’information, communication, etc. Elles sont importantes au même titre que les compétences disciplinaires et professionnelles.

Communiquez votre vision : utilisez votre site web, vos brochures, flyers et affiches pour en faire la promotion auprès de votre public cible.

2. Créer des espaces de concertation, de collaboration, de partage

L’esprit collégial est central dans l’approche-programme. Il convient donc d’engager la participation de chaque personne et de faciliter la communication au sein de l’équipe.

                 Quelques questions à se poser

  • Comment inciter l’équipe à se mobiliser ?
  • Où et quand les enseignants peuvent-ils se rencontrer et échanger à propos du programme?
  • Le climat est-il propice au partage de points de vue (même différents)?
  • Comment faire circuler l’information facilement au sein de l’équipe ?

                  Quelques conseils

Utilisez les technologies pour faciliter les échanges. Plusieurs outils de partage et de travail collaboratifs peuvent vous aider.

Organisez des rassemblements sur une base régulière. Par exemple, conviez l’équipe à un «apéro-programme» ou à une journée thématique au cours de laquelle vous aborderez des sujets liés à la formation. Cela peut contribuer à (re)motiver les personnes à s’impliquer dans l’amélioration continue du programme.

Sensibilisez votre équipe aux enjeux de la dynamique de groupe. Cela peut aider à prévenir les conflits au sein de l’équipe et à préserver un climat propice à la collaboration.

 

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J’ENSEIGNE DANS UNE APPROCHE-PROGRAMME. QU’EST-CE QUE CELA IMPLIQUE POUR MOI ?

Enseigner dans une approche-programme, c’est contribuer à atteindre le but commun de l’équipe, c’est-à-dire développer le profil de sortie des étudiants.

Cela a deux implications : 1) que chaque personne ajuste ses actions en fonction de la vision commune du programme et 2) qu’elle coordonne ses actions de façon étroite avec les autres membres de l’équipe enseignante (Roegiers, 2012).

1. Ajuster mon enseignement

Voici quelques pistes inspirées de Sylvestre et Berthiaume (2013) pour scénariser vos enseignements de façon à ce qu’ils s’intègrent bien dans le programme.

Clarifiez les objectifs d’apprentissage visés par vos enseignements (parfois appelés learning outcomes). Cela implique de vous demander en premier lieu : « A la fin du cours, j’attends de mes étudiants qu’ils soient capables de faire quoi ? » plutôt que « Quels contenus vais-je leur transmettre ? ». Communiquez vos objectifs aux étudiants. Vous pouvez aussi les décliner au niveau de chaque séance de cours. En savoir plus sur les learning outcomes.

Vérifiez que vos objectifs sont cohérents avec ceux du programme et qu’ils sont réalistes vis-à-vis de la charge de travail qu’ils demanderont à vos étudiants. Pensez aussi à la façon dont votre cours est lié aux autres : quels sont les cours préalables, complémentaires, ultérieurs ?

Explicitez les liens entre les apprentissages que les étudiants réalisent dans vos enseignements et ceux qu’ils réalisent dans d’autres cours.

Ajustez vos méthodes d’enseignement et d’évaluation en fonction de vos objectifs. C’est ce qui garantit la cohérence interne de votre enseignement. Vous pouvez vous demander : « Quelles activités permettront aux étudiants de s’entraîner à atteindre ces objectifs? » et « Quelles activités me permettront d’évaluer s’ils ont atteint ces objectifs? ».

2. Me coordonner avec mes collègues

Voici quelques questions à se poser en équipe (inspirées de Roegiers, 2012):

  • Qui va assurer quelle partie du programme ?
  • A quel moment devrait intervenir telle ou telle partie ?
  • Quels enseignements vont couvrir tels contenus, développer telle compétence ?
  • Comment vont s’organiser les différents enseignements ? Quelles méthodes pédagogiques privilégier ?
  • Certaines parties du programme doivent-elles être élaborées à plusieurs ?
  • Comment allons-nous nous coordonner pour éviter les doublons ou lacunes ?

Ci-dessous quelques pistes pour collaborer au mieux au sein de l’équipe :

Échangez régulièrement avec vos collègues à propos de vos pratiques pédagogiques. Cela permettra que vos enseignements soient le plus complémentaires possible. Par exemple, tenir un journal de bord virtuel collectif est un moyen de partager rapidement vos constats, impressions ou informations importantes à la suite d’une séance de cours.

Exploitez l’interdisciplinarité en travaillant en synergie avec d’autres collègues. Par exemple, développez à plusieurs des modules d’enseignement ou d’évaluation, des projets intégrateurs. Vous pouvez aussi inviter d’autres enseignants à intervenir dans vos cours et réciproquement.

Analysez ensemble la cohérence pédagogique du programme à l’aide d’un tableau à double entrée. Il s’agit de croiser les composantes du programme avec les compétences à développer. Cette méthode permet de vérifier si tous les éléments du profil de sortie font l’objet d’un enseignement et d’une évaluation pertinents. Cela permet aussi de visualiser rapidement les liens à établir entre les enseignements et les sous-groupes de travail à former.

 

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RÉFÉRENCES

Evain, M., & Flandrin, C. (2016). Kitmap : kit méthodologique approche-programme. Faculté des Sciences et des Techniques, Université de Nantes. Consulté à l’adresse : https://www.univ-nantes.fr/kitmap

lnstitut de pédagogie universitaire et des multimédias (IPM) de l’Université Catholique de Louvain (2011). Les Mémos de l’IPM Enseigner en approche-programme n° 20, 21, 22. Consultés à l’adresse https://130.104.5.100/97784.html

Prégent, R., Bernard, H., & Kozanitis, A. (2009). Enseigner à l’université dans une approche‐programme. Montréal : Presses Internationales Polytechnique. Disponible au CIP

Roegiers, X. (2012). Quelles réformes pédagogiques pour l’enseignement supérieur? Placer l’efficacité au service de l’humanisme. Bruxelles : De Boeck. Disponible au CIP

Sylvestre, E., & Berthiaume, D. (2013). Comment organiser un cours dans le cadre d’une approche-programme? In D. Berthiaume & N. Rege Colet (Eds.), La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques, Vol. 1, 103-118. Berne : Peter Lang. Disponible au CIP

Site Internet de l’Université de Genève

 

 

RESSOURCES POUR EN SAVOIR PLUS

Bédard, D., & Béchard, J.-P. (Éd.). (2009). Innover dans l’enseignement supérieur. Paris: Presses universitaires de France.  Disponible au CIP

Biggs, J., & Tang, C. (2011). Teaching for Quality Learning at University (4e éd.). Berkshire: Open University Press.  Disponible au CIP

Delizée, A., & Dahuron, N. (2014). Vers une approche-programme à la Faculté de Traduction et d’Interprétation de l’Université de Mons. Actes du 28ème Congrès de l’AIPU, 18-22 mai 2014, Mons, Belgique. Consulté à l’adresse : https://hosting.umons.ac.be/php/aipu2014/C9TEST/select_depot2.php?q=283

Lemenu, D., & Heinen, E. (Éd.). (2015). Comment passer des compétences à l’évaluation des acquis des étudiants ? Guide méthodologique pour une approche programme dans l’enseignement supérieur. Louvain-la-Neuve : De Boeck.  Disponible au CIP

Loisy, C., &Sanchez, E. (2016). Mettre en œuvre l’approche-programme en s’appuyant sur une application numérique : ALOES, Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 32(1). Consulté à l’adresse : https://ripes.revues.org/1045

Warnier,P., Warnier,L., Parmentier,P., Leloup, G., & Petrolito,S. (2010). Et si on commençait par les résultats ? Élaboration d’une démarche de définition des acquis d’apprentissage d’un programme de formation universitaire, Communication présentée au 26ième congrès international de l’AIPU,17-21 mai 2010, Rabat, Maroc. WarnierWarnierParmentier-AIPU-2010

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